Jeu libre et actif

Cantons-de-l’Est: motricité libre et soins individualisés dans les pouponnières de CPE

Ressource

Plusieurs CPE des Cantons-de-l’Est ont adopté une approche qui met l’accent sur le développement moteur des poupons et leur sécurité affective. Bien que cette démarche demande un important changement de posture professionnelle, les avantages qu’en tirent les enfants et les éducatrices sont remarquables.

Un peu de contexte. L’approche dont il est question dans ce texte est inspirée du travail de Magda Gerber. Nommée educaring, cette façon d’accompagner les poupons consiste à les « éduquer avec des soins donnés avec attention et respect » en leur offrant notamment un environnement qui favorise leur développement moteur. Cette démarche, en cours dans plusieurs CPE des Cantons-de-l’Est, s’inspire également du programme éducatif Accueillir la petite enfance et du contenu du livre Le bébé en services éducatifs, coécrit par Jocelyne Martin, Céline Poulin et Isabelle Falardeau. Elle repose sur les principes suivants :

  • Le bébé est un apprenant naturel, compétent dès sa naissance.
  • Le rôle de son éducatrice attitrée est de l’accompagner dans son développement global en l’observant attentivement, en prenant soin de ses besoins physiques et affectifs, tout en ayant confiance en ses compétences.
  • Lors des soins (changement de couche, repas, accompagnement au sommeil, habillage), l’éducatrice s’occupe d’un enfant à la fois et le prévient verbalement de chaque geste qu’elle pose à son endroit.
  • Le milieu de garde offre un environnement où le poupon est accompagné à son rythme afin qu’il se développe harmonieusement. Cet environnement assure sa sécurité physique, il favorise la motricité libre et il est cognitivement stimulant.
enfants quatre pattes
CPE Carrosse Citrouille

Une approche intégrée

« Comme nous sommes déjà très proactifs pour favoriser la transition des 3-5 ans de nos CPE vers l’école, nous avons soumis ce projet ciblant les poupons au Comité estrien pour de saines habitudes de vie, qui a accepté la demande de financement », explique Lucie Therriault, directrice générale du Regroupement des CPE des Canton-de-l’Est (RCPECE). 

Le RCPECE a choisi l’approche educaring en toute connaissance de cause, car quatre CPE de la région l’avaient mise en place à partir de 2016. « On voyait à quel point ces CPE appréciaient les avantages de cette façon de faire, et que d’autres étaient très intéressés, souligne Vicki Leblanc coordonnatrice à la pédagogie au RCPECE. Les soins individualisés ont un impact majeur sur le développement du cerveau des poupons, dont les connexions neuronales se font à un rythme effréné de la naissance à 2 ans. Cette approche influence donc le développement de l’enfant à long terme. »

Grâce aux subventions accordées dans le cadre du Plan d’action interministériel 2017-2021 de la Politique gouvernementale de prévention en santé (Action 2 de la mesure 1.2), le projet « Soutenir le développement moteur des 0-2 ans par la motricité libre et un environnement adapté » a été mis gratuitement en place dans 15 CPE, soit 7 en 2020-2021, et 8 en 2021-2022.

motricité libre
CPE Pop Soleil

Accompagnement et formation

Le projet comprend trois étapes :

  • Une visite d’accompagnement permet à la formatrice d’échanger avec l’équipe sur place et d’observer l’aménagement des lieux et le fonctionnement de la pouponnière. Elle rédige ensuite un rapport de recommandations qui permet à l’équipe de bien orienter ses objectifs en motricité libre et en soins individualisés.
  • La première formation porte sur l’aménagement de la pouponnière pour qu’elle devienne un espace qui stimule la curiosité des poupons et favorise leur motricité libre, aussi appelée « motricité non entravée ». Durée : 6 heures.
  • La deuxième formation, qui se donne généralement un an plus tard, porte sur les soins individualisés aux enfants. Durée : 6 heures.
développement moteur
CPE Carrosse Citrouille

Une mise en place progressive

Le CPE Pop Soleil est un des établissements ayant mis en place l’educaring dans sa pouponnière à partir de 2016. «  En 2015, les deux éducatrices de la pouponnière et moi-même avons assisté à une présentation qui a piqué notre curiosité et nous a incitées à aller plus loin, explique Lorraine Watson, la directrice de ce CPE situé à Richmond. Puis, en 2016, nous avons suivi une formation donnée par Céline Poulin. »

Comme cette démarche entraîne des changements majeurs, sa mise en place se fait très graduellement, ont bien spécifié toutes les personnes interviewées dans le cadre de cet article. « Au début, ma collègue et moi avions bien sûr des craintes, mais nous savions qu’il était important d’y aller par étape, souligne l’éducatrice Josée Lachapelle, qui a 19 ans d’expérience en pouponnière et travaille au CPE Pop Soleil. Le plan d’action établi en collaboration avec Lorraine nous a notamment permis de déterminer par quoi nous voulions commencer. Nous avons choisi les repas. »

repas CPE
CPE Pop Soleil

Les repas

L’approche des soins individualisés change radicalement la routine des repas. En effet, comme les éducatrices tiennent compte des rythmes de sommeil différents des poupons, ils ne mangent pas tous ensemble. « Tant qu’ils ne mangent pas seuls, ils sont nourris un par un par leur éducatrice attitrée, pendant que sa collègue garde un œil sur les autres enfants, indique Lorraine Watson. Lorsqu’ils deviennent plus habiles, une éducatrice peut accompagner deux ou trois dîneurs à la fois. »


Cette façon de faire peut paraître fastidieuse, mais elle présente beaucoup d’avantages, selon Josée Lachapelle. « Nous établissons l’ordre dans lequel mangent les enfants en tenant compte de leur rythme, explique-t-elle. La période de repas est plus longue bien sûr, mais elle est aussi plus détendue, car cette routine amène les enfants à s’autoréguler. » Ainsi, lorsqu’Émile voit son éducatrice nourrir Julie, il sait qu’il sera le prochain et peut donc choisir d’aller jouer en attendant son tour, sans se sentir frustré ou impatient.

développement moteur
CPE Carrosse Citrouille

« Je suis capable »

Ce moment en tête-à-tête donne également à l’éducatrice le temps et l’occasion d’observer les préférences du poupon, de lui parler des aliments dans son assiette, de lui montrer comment s’essuyer la bouche avec sa débarbouillette ou encore comment se servir de sa cuillère et de son gobelet.

« Par exemple, nous prenons le temps de leur donner leur débarbouillette, ce qui les incite tôt à frotter eux-mêmes leurs mains ou encore à placer leur bavette autour de leur cou, illustre Josée Lachapelle. Ils prennent plaisir à devenir plus autonomes, et en viennent également à vouloir aider, par exemple lorsque nous leur donnons l’occasion de déposer eux-mêmes leur bavette et leur débarbouillette dans le petit panier lorsqu’ils ont fini de manger. »

motricité libre CPE
CPE Pop Soleil

Grimpeurs experts en action

La photo ci-dessus illustre bien l’aménagement d’un local favorable à la motricité libre des poupons. « Nous n’avions pas de modules de grande motricité avant de mettre en place cette démarche, précise Lorraine Watson. Les éducatrices disaient souvent aux enfants : “Non, non, ne monte pas, c’est dangereux !” ou encore “Fais attention, tu vas tomber !”. »

« C’est sûr qu’on a tendance à vouloir les protéger en interdisant des mouvements qui nous semblent trop risqués, renchérit Josée Lachapelle. Mais cette peur, c’est celle des adultes. Les tout-petits ont un grand besoin de dépenser leur énergie et adorent grimper. Quand nous sommes progressivement passées du mode intervention et interdiction au mode observation, nous avons bien vu que les enfants développent des réflexes d’autoprotection. »

« Nous laissons l’enfant maîtriser lui-même son développement moteur, nous ne faisons pas à sa place, par exemple en l’asseyant s’il n’est pas capable de le faire tout seul, poursuit Josée Lachapelle. Et si un petit reste pris en explorant un module, nous l’encourageons par la parole à essayer de se déprendre par lui-même, en lui suggérant, par exemple, de tourner son pied. »

motricité libre
CPE Carrosse Citrouille

Des tout-petits agiles

De plus, l’observation continue des poupons permet de faire évoluer l’aménagement de l’espace pour qu’il reste stimulant tant sur le plan moteur que sur le plan cognitif. « Lorsque les éducatrices constatent certains acquis, elles prévoient la mise en place du nouveau matériel, pour favoriser la prochaine étape de développement », précise Lorraine Watson.

Les éducatrices remarquent chaque jour combien cette façon de faire donne l’occasion aux poupons de développer leur aisance corporelle et leur assurance. Elles ont ainsi constaté que lorsqu’ils sont invités à se familiariser avec la cour des grands avant de changer de groupe d’âge, ils sont curieux et confiants. « La différence est énorme, car auparavant, cette transition insécurisait nos trottineurs, raconte Josée Lachapelle. Ils avaient tendance à s’accrocher à nous et hésitaient à explorer ce nouvel espace. »

repas garderie
CPE Pop Soleil

Moins de feux à éteindre

À l’intérieur, le fait que les locaux soient plus favorables à une grande dépense d’énergie réduit de beaucoup les moments d’agressivité entre eux, notamment les morsures, ont constaté les éducatrices. « Je vis moins de stress et surtout, je ne suis plus sur le pilote automatique à courir à droite à gauche pour accomplir les tâches les unes après les autres ou éteindre des feux », souligne Josée Lachapelle.

« Depuis que je m’occupe des enfants de façon personnalisée, je me sens plus compétente, ajoute-t-elle. Ils me font confiance et j’ai appris à leur faire confiance. C’est très valorisant de les accompagner de cette façon dans leur développement global et leur autonomie. »

« Les soins individualisés donnés par l’éducatrice attitrée comblent les besoins affectifs des enfants, diminuent leur stress, ce qui les sécurise beaucoup et leur permet de devenir graduellement autonomes, ajoute Lorraine Watson. Ce sont également des moments d’échanges verbaux qui stimulent le développement du langage. »

motricité libre
CPE Carrosse Citrouille

Des parents très satisfaits

« Avant l’arrivée au CPE, les parents remplissent une feuille de rythme qui décrit la routine de leur poupon à la maison, comme leur heure de lever, de repas, de sieste, etc., décrit Lorraine Watson. Une rencontre permet aux éducatrices de présenter leur façon d’accompagner les enfants et les avantages qu’ils en retirent. »

Le CPE fournit des documents d’information aux parents qui veulent en savoir plus et les éducatrices restent disponibles pour répondre à leurs questions. « Les échanges quotidiens avec les parents au moment de l’accueil et du départ indiquent qu’ils sont sensibles à notre bienveillance envers leurs enfants et apprécient l’atmosphère détendue du CPE », se réjouit Josée Lachapelle.

« Le projet inclut la création d’une communauté de pratique, indique Lucie Therriault, la directrice générale du RCPECE. Les éducatrices auront l’occasion d’échanger avec la formatrice et entre elles au sujet de leurs bons coups et de leurs défis. Le but est de faciliter l’intégration de la nouvelle posture professionnelle qui vient avec cette approche à laquelle nous croyons beaucoup, car elle profite autant aux poupons qu’aux éducatrices et aux parents. »

* [Note de la rédaction: Ces deux formations font partie de l'offre du RCPECE : Formations par Céline Poulin]

motricité libre
CPE Carrosse Citrouille

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Zoom sur les réalisations des Tables intersectorielles régionales en saines habitudes du vie

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