Agriculture urbaine

Le Marigot: cultiver l'entraide sociale

Le Marigot: cultiver l'entraide sociale

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À Laval, le Centre d’entraide du Marigot développe un ambitieux projet d’agriculture biologique, au cœur du centre-ville.

Bien des gens ignorent le passé agricole de l’île Jésus, où se trouve Laval. Le Centre d’entraide du Marigot (CEM), basé dans le secteur Laval-des-Rapides/Pont-Viau, s’emploie à faire revivre cette vocation, mais cette fois, dans une perspective de solidarité sociale.

 « Le Centre d’entraide du Marigot fêtera bientôt ses 40 ans », souligne d’entrée de jeu son enthousiaste directeur général, André Gariépy. « À l’origine, c’était une popote roulante artisanale, puis de fil en aiguille, le Centre est devenu un acteur important dans les services aux personnes aînées vulnérables, en leur offrant du soutien pour le maintien à domicile. » À l’heure actuelle, 125 repas sont livrés quotidiennement à la clientèle du secteur.

Crédit: Centre d'entraide du Marigot.

À ce programme initial, le Marigot à domicile, s’est ajouté en 2009 le Marigot café-traiteur, situé sur le boulevard de la Concorde. La création de celui-ci a permis de faire d’une pierre deux coups : augmenter considérablement la capacité de production, tout en ayant désormais pignon sur rue. Les revenus générés par le café, ceux du service de traiteur ainsi que la vente de mets congelés s’ajoutent aux subventions qui permettent de financer les programmes de l’organisme.

En 2022, le café-traiteur du CEM s’est joint à la Cantine pour tous, qui offre des repas sains aux enfants du primaire, en échange d’une contribution volontaire des parents. Ces repas sont préparés par divers organismes d’économie sociale, dont le CEM, qui fournit désormais de 500 à 600 repas par jour à 9 écoles défavorisées des environs.

Mais l’expansion de l’organisme ne s’est pas arrêtée là : deux nouveaux volets ont été mis sur pied récemment. Le Marigot revalorisation alimentaire récupère, dans deux supermarchés de Laval, des denrées qui approchent de leur date de péremption. Depuis janvier 2023, 11 tonnes d’aliments ont été ainsi recueillies et utilisées notamment dans des mets cuisinés, ce qui aide l’organisme à atténuer l’impact de l’inflation sur son budget. Les invendus ont également été revalorisés grâce à des ateliers de cuisine collective. Dans les circonstances, l’ouverture d’une nouvelle cuisine s’imposait.

C’est en allant visiter ces nouvelles installations qu’André Gariépy a remarqué un terrain en friche, en plein cœur du centre-ville lavallois, sur la rue Robert-Élie. Il n’en fallait pas plus pour que son imagination s’emballe. Depuis son entrée en poste, il cherchait un moyen d’offrir des produits frais et sains à sa clientèle, ce que ses contraintes budgétaires ne lui permettaient pas toujours. Et s’il était possible d’avoir accès à ce terrain et d’y faire pousser des légumes biologiques ?

Il semblait peu probable que la Ville de Laval, propriétaire du terrain, n’ait d’autre projet pour développer ce lot idéalement situé, à quelques minutes des principales stations de métro. Vérification faite, ce terrain avait effectivement été réservé pour le prolongement du boulevard du Souvenir. Or, à la suite de pressions exercées par la population locale, cette idée avait été abandonnée. « Tant mieux, s’est dit André Gariépy, parce que nous, on va le développer ! » Et c’est ainsi qu’est né le quatrième volet : le Marigot agricole.

Crédit photo: Centre d'entraide du Marigot

Le Marigot agricole

Une fois le terrain concédé par la Ville de Laval, le projet a rapidement pris de l’expansion, grâce à la collaboration de nombreux partenaires. Il a été déterminé qu’un premier test s’effectuerait à l’été 2024, sur une parcelle de 0,25 hectare. « On s’est dit que, même si on ne récoltait rien, ça donnerait au moins de l’engrais naturel à la terre », raconte André Gariépy.

Or, l’équipe a vite réalisé que la récolte serait fructueuse, et même bien au-delà de ses espoirs ! En une saison, le site a généré 4,6 tonnes de légumes : tomates, poivrons, haricots, choux divers (kale, rouge, vert, nappa), rutabagas, courges, oignons verts et céleris !

Combiné aux autres missions du CEM, le jardin constitue un système alimentaire circulaire. « Production, transformation, distribution, consommation, revalorisation… le cycle est complet », explique Nathalie Villeneuve, coordonnatrice de projets pour l’organisme. L’initiative s’inspire des principes fondateurs d’une communauté nourricière.

Marigot agricole
Crédit photo: Centre d'entraide du Marigot.

Une fructueuse concertation

Le succès du projet découle en partie de l’adhésion du milieu, ce que souligne d’emblée la coordonnatrice : « Le projet a suscité un enthousiasme immédiat et une collaboration exemplaire de la part de 13 partenaires. » À commencer par la Ville de Laval.

Par le biais de sa Politique régionale de développement social (PRDS), la Ville distribue des enveloppes de financement à des projets qui correspondent à ses objectifs. Or, le Marigot agricole, résume Nathalie Villeneuve, « coche toutes les cases », tant au niveau de ses objectifs que de ses valeurs, comme le travail collaboratif, la créativité ou le développement durable.

La production de légumes du CEM rejoint d’ailleurs un projet cher au maire de Laval, Stéphane Boyer. Présentement, 29 % du territoire de l’île Jésus constitue une zone agricole, mais seulement la moitié de cette superficie est cultivée. La Ville veut encourager les propriétaires à remettre en culture les terres en friche. En plus de répondre à cet objectif, le Marigot agricole présente une valeur ajoutée unique : sa localisation au centre-ville. « Nous sommes heureux d’être des acteurs et des leaders dans cette vision de mise en valeur du territoire, et pas seulement en zone agricole », affirme Nathalie Villeneuve.

André Gariépy salue l’ouverture et l’exceptionnelle coopération des élu·e·s de Laval : « Des fonctionnaires et des entreprises communautaires qui se mettent ensemble, pour créer quelque chose qui n’existe pas, j’ai rarement vu ça. » En plus du financement offert, des règlementations ont été assouplies, entre autres, pour tenir compte des particularités de ce projet inusité.

Chaudement accueilli par la municipalité, le projet a suscité un même enthousiasme spontané auprès d’institutions d’enseignement du secteur, d’organismes qui œuvrent en éducation populaire et en sécurité alimentaire et de ceux qui se préoccupent de la transition écologique. Fort de cet engouement, le Marigot agricole compte parmi sa liste de partenaires des entités aussi variées que le Centre de formation horticole de Laval, Moisson Laval et le Conseil régional de l’environnement de Laval.

« Avec eux, expose Nathalie Villeneuve, nous allons mettre en place des projets qui vont graviter autour du jardin et augmenter sa portée sociale, comme des cuisines collectives, des ateliers d’éducation sur la saine alimentation, des stages ou des projets d’entrepreneuriat étudiant. » Il en résulte, selon elle, une vision plus globale de la sécurité alimentaire, qui ne se limite pas à offrir des repas abordables, mais qui « donne accès à des moyens et à des projets qui favorisent l’autonomie alimentaire, la littératie alimentaire, et la formation à la production d’aliments ».

Ce soutien de la communauté donne des ailes aux personnes organisatrices du projet. Pour preuve, au moment de notre rencontre, André Gariépy et Nathalie Villeneuve sortaient tout juste d’une réunion avec la Ville pour discuter d’un agrandissement, dès 2025, de la superficie cultivée !

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