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Après les arrondissements de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce et de Saint-Léonard, c’est au tour de Montréal-Nord de bientôt interdire aux établissements de restauration rapide, qui voudraient s’implanter sur son territoire, d’offrir le service au volant. Petit tour d’horizon des enjeux liés à ce genre de réglementation.
D’abord, précisons que, au nom des « droits acquis », les établissements qui offrent déjà ce type de service, bien que d’un autre âge, ne sont pas touchés par ce genre de réglementation. Cela dit, ces droits acquis peuvent s’éteindre à la suite de rénovations majeures ou d’une fermeture de plus de six mois. Mais, en principe, les commerces existants, et en bonne santé financière, ne sont pas concernés ni menacés.
En ce qui concerne Montréal-Nord, la nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur d’ici la fin septembre, puisque l’avis public de « demande d’approbation référendaire », déposé le 12 juin, est demeuré lettre morte. Et si l’arrondissement va de l’avant dans cette affaire, c’est nommément pour des raisons similaires à celles évoquées par ses prédécesseurs.
Des environnements favorables à la saine alimentation
Afin de justifier ce genre de mesure, les élus municipaux invoquent souvent leur volonté d’encourager l’adoption de saines habitudes de vie, notamment chez les jeunes. Et ils n’ont pas tort. Selon une enquête de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), parue en 2015, près de 6 écoles secondaires publiques sur dix se trouvaient à moins de 750 mètres d’un restaurant-minute. Et près de 40 % des élèves québécois avaient accès à deux restaurants-minute à moins de 750 mètres de leur établissement.
Or, plus forte l’exposition, plus grande la tentation. Si bien que, chez ces jeunes, le risque de consommer de la malbouffe le midi était de 50 % plus élevé que pour les élèves des écoles situées dans des environnements plus sains.
Bien entendu, interdire le service au volant n’a pour ainsi dire pas d’impact sur la clientèle des jeunes, qui de toute manière se déplacent à pied. Cela représente toutefois un pas dans la bonne direction, car les villes détiennent aussi le pouvoir d’interdire l’implantation de nouveaux restaurants de malbouffe à proximité des écoles. Le Collectif Vital, anciennement la Coalition québécoise sur la problématique du poids, a d’ailleurs produit un modèle de résolution à l’intention des municipalités qui souhaitent encadrer l’implantation de ce genre d’établissements près des écoles ou des quartiers résidentiels.
Cela dit, il faut savoir que le service au volant représente souvent la partie la plus lucrative du modèle d’affaires des restaurants-minute. C’était du moins le cas avant la pandémie, et surtout avant cette fameuse pénurie de main-d’œuvre qui lui a succédé. Bref, si l’interdiction d’offrir le service au volant dissuade ces commerces de s’implanter dans des quartiers ou au voisinage des écoles, ce sera déjà ça de gagné.
Protéger l’environnement
Selon des données compilées par Le Devoir, l’attente moyenne d’une voiture dans une file de service au volant est de 6 minutes 12 secondes. Or on sait que, dans cette situation, les automobilistes n’éteignent généralement pas leur moteur, à moins que leur véhicule soit en mesure de le faire par lui-même — ce qui n’est pas la norme.
De savants petits calculs permettent donc d’estimer que, en 2022, ces véhicules à l’arrêt temporaire ont consommé, en Amérique du Nord, au moins 11,3 millions de litres de carburant en pure perte. C’est donc 18 millions de dollars d’essence partis en fumée et en gaz à effet de serre, soit 23 000 tonnes de CO2 !
Ajoutons à cela que le modèle d’affaires de ce type de restauration repose sur l’utilisation de contenants à usage unique. Ici, on jette tout, pêle-mêle. En général, pas de recyclage, ni de récupération, et encore moins de compostage. À quoi il faut ajouter certaines nuisances dont les consommateurs eux-mêmes sont responsables. En effet, selon une étude de la coopérative Les Valoristes, près des deux tiers des matières résiduelles récoltées sur le domaine public de Montréal proviennent des restaurants-minute.
Sécurité et tranquillité
Situés aux abords des autoroutes, les services au volant offerts par les restaurants-minute semblent procéder d’une certaine logique. Mais, incrustés en milieu urbain, ils sont surtout susceptibles d’occasionner de nombreux problèmes. En période de fort achalandage, les files d’attente des voitures débordent souvent du périmètre de l’établissement pour encombrer les trottoirs et la chaussée. Et puisque ce genre de service se prolonge, la plupart du temps, au-delà des heures d’ouverture de la salle à manger, et donc tard le soir, alors le va-et-vient des véhicules peut nuire à la quiétude du voisinage.
Enfin, ce constant carrousel de véhicules, affamés d’essence et de calories, entraîne souvent des conflits avec les usagers plus vulnérables de la route. Car, ces augmentations du flot de voitures, aux abords des débits de restauration rapide, mettent plus à risque les piétons et les cyclistes.
Bref, l’interdiction du service au volant ne peut que contribuer à la sécurité des adeptes du transport actif. À la sérénité des quartiers. À l’adoption de saines habitudes alimentaires. Et à la santé de l’environnement.
Les villes, arrondissements, municipalités détiennent de larges pouvoirs en matière de zonage. Le temps est venu d’en faire bon usage !
Le saviez-vous ?
David contre Goliath
En 2016, l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce (CDN-DNG) adoptait un règlement pro santé interdisant notamment l’implantation de nouveaux établissements de restauration rapide dans certains secteurs à moins de 500 mètres des écoles. Une mesure rapidement contestée sans pitié par des chaînes de restauration rapide.
Or, à trois reprises, le règlement de CDN-DNG a passé avec succès le test de tribunaux. D’abord, en 2019, lorsque la Cour supérieure du Québec a confirmé que les municipalités ont le droit d’utiliser le zonage pour limiter l’installation de restaurants rapides. Un jugement ensuite maintenu, en 2021, par la Cour d’appel du Québec. Finalement, en mars 2022, la Cour suprême du Canada refusait d’entendre l’appel des plaignants, ce qui mettait un terme à cette saga. Mais surtout, cela plaçait désormais les municipalités, soucieuses de créer des aménagements favorables aux saines habitudes de vie, à l’abri des poursuites de l’industrie de la malbouffe. Avis aux intéressées.
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